La villa Algérienne a été construite en 1865, dans un pays complètement désert au lieu -dit « Gnagnotte ». Contrairement à ce que l’on raconte souvent, elle n’a pas été édifiée près de l’Herbe qui n’existait pas encore. C’est l’Herbe qui par la suite s’est développée près de la Villa Algérienne en même temps que les petits villages ostréicoles bâtis sur le Domaine Public Maritime : le Canon, Piraillan, Piquey, etc. Il n’y avait alors aucun lieu de culte sur la presqu’île et l’église la plus proche, celle de Lège, se trouvait à 15 k.ms Les enfants ne pouvaient pas suivre le catéchisme, et il fallait se rendre à la messe en pinasse à Arcachon, , ce qui présentait souvent de réels dangers. Aussi, 20 ans après la construction de la Villa, Léon Lesca décida -t’il de faire bâtir (entièrement à ses frais) une chapelle sur son domaine. En 1885, il obtint l’autorisation du président de la République Jules Grévy de faire célébrer le culte catholique dans l’église néo-mauresque que venait d’achever Eugène Ormières, (ami personnel de Léon Lesca, il avait déjà été l’architecte de la Villa Algérienne), assisté de l’entrepreneur Desombres. « Monsieur Ormières a su d’une façon fort heureuse imprimer au style arabe un cachet chrétien, unissant la croix et de croissant et mettant sur le temple l’inscription « Gloria Deo » qui peut plaire aussi bien à un musulman qu’à un catholique » André Rebsomen Arcachon et le pays de Buch
Au-dessus de la porte d’entrée se trouve une inscription en caractères arabes, c’est une simple formule de bienvenue dont nous avons la traduction exacte dans notre bibliothèque du Cap Ferret, nous essaierons de la retrouver lors de notre prochain séjour à Pâques.
A l’origine, la chapelle était un lieu de culte privé (c’est pour cette raison qu’elle ne fut pas concernée par la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat,), mais dès son inauguration, elle a servi d’église aux villages ostréicoles A la suite des partages familiaux, c’est ma mère, Madame Jean Cottin (fille de Marthe Lesca) qui en est devenue propriétaire. Dans les années 50 - je ne me rappelle plus la date exacte - elle en a fait don à l‘archevêché de Bordeaux…
Il fallait loger le desservant de la nouvelle chapelle : pour cela, Léon Lesca fit construire un presbytère (la maison , très remaniée, existe toujours) sur un terrain situé à l’entrée du village de l’Herbe. Le jeune prêtre nommé par les autorités ecclésiastiques, l’abbé Noailles, était atteint de tuberculose pulmonaire, et les médecins lui accordaient une espérance de vie réduite, il atteindra pourtant l’âge respectable de quatre-vingt-six ans, incarnant ainsi le « miracle du bon air du Bassin »
Une petite chapelle de bois avait été construite en 1893 à Bélisaire. Elle devint le second lieu de culte de la presqu’île. Elle fut d’abord desservie par les Dominicains du Moulleau, mais lorsque ceux-ci furent expulsés de leur couvent en 1903 sous le ministère Combes, c’est l’abbé Noailles qui y célébra la messe dominicale. Sans en avoir le titre, le chapelain de la Villa Algérienne exerça pendant plus de trente ans la fonction de curé du Cap Ferret, il baptisa et prépara à la communion solennelle des générations successives de jeunes des villages ostréicoles . Madame Lescarret- Lacrampe a évoqué dans ses souvenirs d’enfance (Cap Ferret ma presqu’île) les séances de catéchisme dans la chapelle de l’Herbe où les enfants du Cap Ferret se rendaient à bord de l’Oasis ou du Courrier du Cap, escortés par le facteur, qui surveillait leur débarquement à la jetée de la Villa, où il s’arrêtait lui-même pour relever le contenu de la boîte aux lettres.!!
Quand arrivait enfin le jour tant attendu de la « communion solennelle », les communiants de la côte noroît arrivaient à la chapelle en pinasse, puisqu’en l’absence de route, elle n’était accessible qu’en bateau « Tous les bateaux et pinasses de la côte dans lesquels on apercevait une robe blanche arrivaient avec parents et amis. Le cortège sous les ombrages, devant l’école toute proche nous conduisait à la Chapelle, où, comme au pays basque, beaucoup d’hommes montaient à la tribune La joie simple de tous ces gens donnait à cette fête une note de bonheur indescriptible »
C’est sur cette note de bonheur que nous terminons cette évocation de la chapelle d’autrefois, aujourd’hui, sans être vraiment désaffectée, elle est un peu abandonnée, Des groupes de prières s’y réunissent en été, et l’on y dit la messe le jour de la fête de l’Herbe, à la fin du mois d’août. Il est périodiquement question de la faire classer…….
Léon Lesca, entrepreneur de travaux publics, originaire de La Teste, obtint, sous Napoléon III l’adjudication des travaux du port d’Alger, et de la voie ferrée Constantine- Philippeville.De retour dans son pays natal, il acheta aux enchères publiques, dans la presque‘île du Cap Ferret, ( avec son frère Frédéric) la moitié orientale de la forêt domaniale de la Garonne, dont l’Etat venait d’autoriser le déclassement, après le vote de lois spéciales en 1860 et 63 . Il devint ainsi le propriétaire d’une vaste propriété en bordure du Bassin, entre Claouey et Belisaire. En 1865-66 il fit construire sur les terrains qu’il venait d’acquérir, au lieu-dit Gnagnotte, une villa de style mauresque, en souvenir des années passées en Algérie.
Le Cap Ferret était alors un désert habité seulement par les gardiens du phare et du sémaphore,
quelques douaniers et garde forestiers. Il n’existait ni route ni chemin, et le village le plus proche, Lège, se trouvait à 15kms. Les matériaux nécessaires à la construction furent acheminés par
bateau depuis le port de La Teste. Au début simple pavillon de chasse, la Villa devint par la suite le poste de commandement d’un vaste domaine. Léon Lesca exploita la forêt et les parcs à
huîtres, créa des réservoirs à poissons , planta un vignoble, construisit une école, une jetée, une douzaine de logements pour son personnel, plus tard une chapelle et un presbytère (dont nous
avons parlé récemment) Autour de la villa, il fit aménager un parc de 25 hectares, planté d’espèces rares, et un vaste potager. C’est lui qui introduisit le Yucca et le Mimosa dans le
pays..
Conseiller général du canton de La Teste pendant vingt-cinq ans, administrateur des orphelinats de Gironde, grand propriétaire foncier, créateur d’une société de protection des parqueurs, et de
la Société du vapeur « Courrier du Cap », Léon Lesca est mort à la Villa Algérienne en 1913, à l’âge de 88 ans.. La Villa Algérienne (avec ses dépendances), est restée en indivision
entre ses enfants et, du vivant de ma grand‘mère, née Marthe Lesca , (décédée en 1941) j‘y ai passé les vacances enchantées de mon enfance. En 1940 , la maison a été occupée par les Allemands
..Le parc nécessitait les soins attentifs de plusieurs jardiniers , dès qu’il a été abandonné; il est rapidement retourné à l’état sauvage, et s’est transformé en une sorte de jungle poétique et
folle, envahie par les lianes et les ronces……A la Libération, la villa elle- même était dans un état de délabrement avancé, il aurait fallu entreprendre de très importants travaux de
restauration, d’autant qu’elle était rongée par les termites. Lors du partage intervenu entre les héritiers Lesca, la villa a été tirée au sort, et c’est mon grand-oncle Frantz Lesca, qui l’a
trouvée dans son lot. Il habitait au Maroc et ne voulait pas s’encombrer d’une pareille charge, il s’en est donc débarrassé au plus vite, en la vendant à des hôteliers-restaurateurs Ceux ci ont
fait de mauvaises affaires ; (le Cap Ferret n’était pas encore à la mode dans les années soixante), ils ont vendu à leur tour, cette fois ci à des promoteurs qui se sont empressés de démolir la
Villa (1966) pour la remplacer par le bloc de béton que l’on voit aujourd’hui ….
Extrait des histoires locales du Bassin d'Arcachon
https://www.bassindarcachon.com/histoire_locale.aspx?id=20